top of page
Photo du rédacteurVéronique Lanonne

ÇA SAIGNE

Dernière mise à jour : 12 nov. 2021

Je m’en souviens comme si c’était hier. Une marre de sang, on ne l’oublie pas. Y’en avait partout. Sur les murs, les rideaux et même au plafond. Ça gouttait encore quand je suis rentrée. Philippe était allongé en bas de l’escalier. Son pauvre corps tout biscornu et la tête en bouillie. C’est tout ce qui restait de lui. Un amas de chair et de sang. La sidération vient avant l’hystérie. Je pense être restée figée un bon moment. Quand j’ai repris mes esprits, le sang avait noirci. J’ai pris mon téléphone et tout s’est enchaîné.


Conduite au poste, j’ai répondu à leurs questions dans un état second. Je flottais pour ne pas sombrer. L’irréalité, dernier rempart à la folie. Sacha est arrivée très vite. Ma sœur, mon pilier. Une fois l’interrogatoire terminé, elle m’a ramenée chez elle, m’a servie une tasse de thé et m’a assurée qu’on ne pourrait pas me suspecter. À l’heure du crime j’étais dans un avion qui me ramenait d’un colloque à l’étranger. Les conclusions du légiste, quelques semaines plus tard, confirmèrent la date et l’heure du décès de mon conjoint.


J’ai réappris à vivre seule mais j’avais encore peur quand une porte claquait ou qu’un objet, sous l’assaut du chat, tombait sur le sol. J’avais encore peur quand je laissais traîner une tasse dans l’évier. Encore peur quand la poussière s’accumulait sur l’écran de la télé. Toujours peur qu’il débarque et me colle une raclée. Pour un rien. Par plaisir. Pour me soumettre. C’est ma sœur qui m’a sauvée. Je sais ce que vous pensez j’aurais dû en parler. Le meurtre n’est pas la solution. C’était la mienne. Et c’est Sacha qui tenait l’arme. Elle n’en était pas à sa première fois et si vous m’avez suivie c’est elle qui découpait la dinde de la page 105.


Véronique Lanonne @2021

18 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Comments


bottom of page