On préfère ne pas le voir. Ne pas savoir. L’horreur absolu. J’ai longtemps hésité à l’écrire, beaucoup d’entre vous m’ont demandé de traiter le sujet mais il me touchait bien trop personnellement. Pour écrire je plonge dans les émotions. Les miennes, les vôtres mais cette fois, le plongeoir est vraiment haut et en bas il n’y a pas d’eau. Le vide m’attend. Je suis prête.
1 sur 5 enfants ça fait froid dans le dos. J’étais le 1. J’avais 10 ans. Il n’était pas un étranger. Il est entré dans notre cercle familial par la grande porte. Je l’aimais bien. Je crois que c’est ça, le pire. Je restais avec lui quand mes parents s’absentaient, sur ma demande. Il était un des seuls adultes de mon entourage à me comprendre. Il connaissait tous les jeux. Il me faisait rire.
J’ai vite compris que ses mains baladeuses sur mon petit corps d’enfant n’était pas un jeu. Vite compris que ce que je subissais n’était pas normal. Il m’a fait taire facilement. Ma famille exploserait si je parlais et la peine provoquée serait immense. De victime, je passais à coupable. Alors je n’ai rien dit. Pendant trente longues années. Et même après sa mort je me suis tue.
J’ai vécu avec ça coincé au creux de mon âme. Un bien lourd fardeau. Les maux qu’on ne dit pas gangrènent tout autour. Mais les dire est souvent pire. Faire remonter à la surface ces atrocités c’est accepter qu’elles étaient réelles, c’est aussi le seul moyen de les affronter.
1 sur 5 voilà pourquoi je m’expose. En libérant la parole on libère l’âme du fardeau. Je me suis coupée longtemps de mes émotions. Pour ne plus souffrir. Lorsqu’enfin j’ai pu mettre des mots sur mes maux, je me suis sauvée.
Il y a des hommes de bien qui se battent aujourd’hui pour dénoncer mais on ne veut pas voir ce qui fait mal à croire. En dénonçant ces abus on sauve des vies.
Véronique Lanonne @2021
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