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Photo du rédacteurVéronique Lanonne

EPUISEMENT

J’ai déraillé. Je suis passée devant la maison sans m’arrêter. Ça fait des mois que je n’ai plus envie de rentrer. Et ce soir je n’ai même pas freiné. J’ai pris l’autoroute et je suis partie. Une question de survie. La mienne. Je ne sais pas où je vais aller mais plus je m’éloigne et mieux je respire. Une mère ça ne disparait pas. Pas volontairement. Un père ça abandonne parfois. Mais une mère ça reste. Ça supporte. Mais moi je n’y arrive plus. Je ne me sens pas encore coupable mais je sais que ça viendra. Je mets la musique à fond pour m’empêcher de penser.


Ça fait des mois que je me cache pour pleurer. Au boulot. A la maison. Dans la voiture. Il n’y a pas un endroit où je n’ai pas pleuré. Je suis à bout. J’ai même mis des larmes dans les boites à lunch des enfants. Je crois que personne n’a rien vu. J’ai des yeux de lapin russe pourtant. On ne se regarde plus. C’est ça le problème. On vit ensemble mais on ne partage plus rien. Je ne sais même pas s’ils vont se rendre compte que je ne suis plus là. Le frigo est plein. Le linge lavé. J’ai même laissé un chèque ce matin sur le comptoir pour la sortie scolaire du grand.

C’est bien plus qu’un burn out. Bien plus qu’une dépression. J’ai atteint le point de rupture dans l’indifférence générale. Ou à cause d’elle justement. J’ai besoin d’une pause. Longue. Éternelle. J’ai envie de ne plus me sentir mère. Je suis dégueulasse mais c’est ce que je veux. Arrêter de m’inquiéter pour eux. Arrêter de courir. Ne plus me sentir invisible et vivre. Je roule sans savoir où je vais, mon Dieu que c’est bon ! J’imagine ma vie d’après. Le silence. Sans déception ni ingratitude. Sans penser en les regardant que j’ai tout raté. Sans me demander ce qu’ils vont devenir. Respirer juste pour moi.

J’ai fait demi-tour. En chialant. Encore. Putain de voiture connectée. Plus de vingt messages. Ils ont perdu le chien et me demandent où je suis. Je ne suis pas invisible. Ils ont besoin de moi et moi sans eux je ne suis rien. Une mère ça ne disparaît pas. Pas volontairement. Même si parfois ce n’est pas l’envie qui manque.


Véronique Lanonne ©2019

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