Un truc a lâché. D’un coup. Sec. Sans doute ma tête en avait marre de mes jérémiades, mes doutes incessants, mes peurs incontrôlées. Mais en fait je n’en sais rien. Mon cerveau s’est fissuré. Un clac et tout change. L’esprit en déroute. Mon corps me quitte. Je me sens liquide.
J’entends les gens autour qui s’affolent je ne peux plus parler. Je ne peux plus bouger. Je ne suis plus qu’une masse. Ma conscience, elle, est toujours là. Je ne la comprends plus. Un fusible a pété, ça je le sais. Je vais mourir peut-être. Des murs blancs, sales, l’odeur de la javel, je file à grande vitesse, les portes s’ouvrent. Un masque. Black-out.
Ils m’ont sauvée. In extremis. Colmaté la fissure. C’est ce qu’ils me disent. J’ai le visage en biais, je le sens. La mémoire aux abonnés absents et je comprends un mot sur deux. Je peux plus parler. Récupération lente et progressive. Incertaine. Je colle des post-it sur ma mémoire. La nouvelle. Je suis une enfant dans un corps de grand. Je ne mange plus seule. Je fais des dégâts. Je bois avec une paille en bambou. Une qui coule. J’entends des mots sans phrases. J’oublie. Je vois les larmes qui coulent sur les joues de mes enfants. Elle fait du mal l’attaque.
Ils avaient raison les semi-dieux la récupération est incertaine. J’ai perdu un morceau de mon passé mais je crée mon présent. J’apprends à lire à écrire et même à penser. Je mange seule maintenant mais j’ai toujours ma paille en bambou. La vie. Encore. La vie. Toujours.
Il y a des gestes simples pour poser le diagnostic. Trois heures. Déterminantes. Je vous donne un post-it à coller sur votre mémoire. Un : le sourire. Si vous ne parvenez plus à sourire. Consultez. Deux : Phrase simple. Si vous n’arrivez pas à dire une phrase simple. Consultez. Trois : Levez les deux bras en même temps. Si un bras ou les deux ne réagissent pas comme ils le devraient. Consultez. Quatre : tirer la langue. Si la langue croche en partant d’un côté. Consultez.
Sauvons des vies.
Véronique Lanonne ©2019