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  • Photo du rédacteurVéronique Lanonne

MA SOEUR

J’attends mon tour. Je fais la file, comme tout le monde, avec un mouchoir à la main et une larme de circonstance. J’ai mis ma plus belle robe noire et les perles de maman. Ma sœur, effondrée, reçoit les condoléances, presque sincères, de la famille et des amis. Un mari parti trop tôt, dans la fleur de l’âge. Le drame s’abat sur un couple idéal.


Je serre ma sœur dans mes bras. Ses sanglots s’étouffent dans mon cou. Mes larmes coulent sur son chignon bien fait. J’ai longtemps admiré sa beauté, son aisance, sa prestance. Aujourd’hui, son Rimmel coule sur ses pauvres joues blafardes et son petit corps porte la misère du décès. Paul n’est plus. Paul ne sera plus jamais. Et c’est mon œuvre.


Je n’ai jamais jalousé ma sœur. Jamais. Je l’aime. Même en miettes comme en ce moment. Surtout en miettes, pour tout dire. La fragilité, dont elle fait preuve alors qu’on met Paul en terre, me bouleverse. Ce n’est pas la première fois que je tue pour la protéger. D’autres, avant Paul, ont essayé de m’exclure de sa vie. Mère avait presque réussi, je m’en suis occupée. Ma soeur n’a besoin que de moi, de mes bras pour la consoler, de mes pas pour la guider.


Je reste à ses côtés alors que son mari gît à présent au fond d’un trou. Je tiens sa main au creux de la mienne. Et je vais m’assurer qu’elle ne la lâche plus jamais.



Véronique Lanonne @2021

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