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  • Photo du rédacteurVéronique Lanonne

MURIEL

Muriel avait 2 ans à la mort de sa mère, 5 lorsque son père la quitta. Brinqueballée de familles en familles, de villes en villages, elle comprit, assez vite, que l’assistance publique attendait qu’un lien se crée pour le rompre. À 10 ans, Muriel ne créait plus de lien. À 18, elle posa sa valise dans un établissement géré par l’état. Une petite chambre, un petit lit et une toute petite fenêtre. Son espace à elle. Elle ne fut plus jamais aussi heureuse que ce jour-là. La fin des feintes. Seule, elle n’aurait plus à mentir.


Son vide à elle, elle ne cherchait pas à le combler. Il était là et elle avait appris que tout avait un sens. Alors, elle l’entretenait. Pas d’enfant quand le jour viendrait, ni encore de mari pour partager sa vie. Elle sautait de job en job pour ne pas s’attacher, d’hommes en hommes pour ne pas se poser. Dans le monde de Muriel tout était parfait.


Paul avait 25 ans à la remise de son diplôme, toute sa famille était là. Même Dédé, son grand-père. Tous étaient très fiers de sa réussite. Avec autant d’amour il était difficile d’échouer. Baigné dans l’unité et la compassion, Paul décida, tout naturellement, de dédier sa vie aux autres. Il les écouterait parler et les aiderait à trouver leurs réponses. Il serait l’épaule réconfortante. Le réceptacle de leurs douleurs.


Paul croisa Muriel, chaque jour, pendant 5 ans, sans la voir vraiment. Au ciné de quartier, dans son bar préféré, dans la rue en partant travailler. Chaque jour, deux univers se côtoyaient sans jamais se toucher. Paul se maria en 1990 avec Léa. Ils eurent 2 enfants. En 2001, Léa décida d’aller voir si l’herbe était plus verte ailleurs. Paul noya sa peine dans des verres de Bourbons accoudé au zinc de son bar préféré.


Le 23 décembre 2001 à 23 h 02, au bar du coin, deux univers rentrèrent en collision. La déflagration se fit entendre jusqu’aux terres lointaines de l’Oural. Entraînant avec elle une réaction en chaîne. Paul combla le vide au creux du ventre de Muriel, à force d’amour et de tendresse.


Non loin de la mer de Kara, près des montagnes de l’Oural fut découvert en 2001 une toute nouvelle espèce d’herbacée. Après études par les botanistes du coin, elle fut envoyée pour expertise dans le monde entier. De grandes découvertes médicales en découlèrent.

Ce que vous attendez arrive au moment choisi. Il faut de la patience pour créer cette nouvelle humanité. De la patience et beaucoup d’amour.


Véronique Lanonne @2021

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