Odette est contre tout. Tout le temps. Dès qu’elle peut l’ouvrir elle l’ouvre mais personne ne l’écoute. Même si souvent elle a raison. Odette n’aime pas qu’on lui impose des choses. Elle ne regarde pas les actu, elle lit. Elle fait du crochet aussi. Des napperons, des couvertures tout y passe pourvu qu’elle occupe ses doigts. Pendant que ses mains bougent, sa tête respire. Elle s’évade dans son monde intérieur. Son espace de liberté. Elle revient sur le passé mais pas trop souvent, on s’y perd facilement. Elle préfère le présent Odette car l’avenir est incertain. Elle a mené sa vie d’une main de fer sans gants de velours. Elle est comme ça Odette, tranchante comme son couteau en céramique.
Elle a élevé ses garçons seule et elle les voit encore de temps en temps. Sauf le grand. Elle ne l’a jamais aimé. L’amour ça ne se contrôle pas. Elle s’est toujours demandé s’il n’y avait pas eu maldonne à la maternité. Dans une portée il y a toujours un faible. Elle a pardonné un paquet de trucs Odette. Mais la faiblesse, ça, elle ne peut pas. C’est le boulanger qui lui a dit qu’on allait tous mourir. Qu’un satané virus infectait le monde et que les vieux allaient y passer en premier. Elle a souri et lancé « Pourvu que t’y passes ton pain est dégueu ».
Elle n’a jamais eu peur Odette. Ni pour elle, ni pour ses enfants. Elle ne va pas commencer maintenant. En 2009, la monstrueuse pandémie H1 machin devait tuer deux millions de personnes selon l’OMS. 450 personnes touchées en France et aucune n’en est morte. Les Français ont boudé la vaccination. Odette aussi. Elle a foi en son système immunitaire. Les mensonges, ça non plus, elle n’aime pas. Ses fils l’ont appelé pour lui dire qu’ils ne viendraient plus, histoire de pas la tuer. Et c’est là qu’elle a su. Elle qui pensait qu’il n’y avait qu’un débile dans le lot, se retrouvait mère de toute une chiée d’ignares. Si c’est pas malheureux.
Elle a racheté de la laine et du coton juste pour occuper ses doigts. Quand elle est dans son cœur Odette, dans son monde intérieur, elle se guérit de n’importe quoi.
Véronique Lanonne
@2021
Comments