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  • Photo du rédacteurVéronique Lanonne

ONCLE ANDRÉ

Oncle André se lève et balance violemment sa chaise contre la table. Les verres tremblent et une des bougies tombe et enflamme la nappe. Papy balance le reste de la carafe et éteint l’incendie. Encore une sortie fracassante. Oncle André les maîtrise. Il file à la cuisine pour s’allumer une cigarette. Mamy le suit. Elle désamorce Mamy. Elle lui tend le briquet posé sur la table. Ouvre le placard et en sort la coquille-cendrier. Aucun mot n’est échangé. Mamy ouvre la fenêtre, s’adosse au plan de travail et attend. La fumée s’échappe dans la cour. André fume jusqu’au filtre, il retarde le moment. À la salle à manger, les discussions ont repris et la crise d’Oncle André est passée sous silence. Le trou dans la nappe en dentelle est couvert, par Gisèle, qui y pose la bannette.


Papy sourit, il a encore gagné. Il pousse Papy. Il pousse jusqu’à ce que ça explose et avec André, ça explose vite. Il doit lister, la veille, les mots qui fâchent, les phrases assassines. Il appuie toujours là où ça fait mal. Il fait des bleus à l’âme Papy. Et le corps d’André en est rempli. Je me demande encore pourquoi il vient. Je me demande encore, ce que Mamy, a bien pu trouver à Papy. On ne comprend jamais vraiment l’amour.


La porte s’ouvre, Oncle André, une bouteille à la main fait le tour de la table et reprend sa place. Il verse le nectar dans le verre de Papy. Ils se regardent un instant. Tout est dit. Tout est pardonné. C’est ça aussi la famille. Des bleus qu’on oublie par amour pour les siens. Des liens qu’on tend, qu’on détend et qu’on tisse. Des liens qui cèdent parfois et dont on garde une trace.


C’est dans le gris des yeux de Mamy que j’ai appris. Dans ses silences qui repoussaient la colère, dans ceux qui faisaient mourir les larmes. Là, autour de la table, on s’aime vraiment.



Véronique Lanonne @2021

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